France

Encore une fois, la France part au Concours la fleur au fusil et aux dents, croit pouvoir décrocher le pompon en entendant, ou croyant entendre, qu’elle est favorite et revient au pays avec une grosse gamelle, en répétant à qui veut bien l’écouter qu’elle a été victime d’un vote géopolitique et que son classement était injuste au vu de la haute qualité de la chanson, que les européens n’ont pas su apprécier à sa juste valeur. Caricatural ? On aimerait répondre oui, mais les résultats français de ces dix dernières années hurlent le contraire…

Et c’est d’autant plus dommage qu’Anggun s’est laissée enfermer dans cette logique, suite au peu d’écho d’« Echo (you and I) », un titre vaguement actuel qui a failli à impressionner tant les téléspectateurs du Concours que les hit-parades. Les eurofans, eux, décochent un satisfecit à la représentante française, qui est tout autant encensée qu’huée, et l’on sent poindre une forme de lassitude, à l’image de Vincent Valmard qui confesse que « comme d’hab’, on y croyait tous à la fin de son interprétation, et comme d’hab’, on s’est ramassé ».

Car la tradition française du gadin eurovisuel, qui s’était légèrement estompée ces dernières années, reprend force et vigueur ; avec cette gratifiante 22^ème place précédemment occupée par Les Fatals Picards ou Virginie Pouchain. Certes, les fans sont, à l’instar de Pascal Grillet, « évidemment déçus du classement, mais honnêtement, [il est compréhensible] que les téléspectateurs aient préféré voter pour une autre chanson : c’est confus sur scène, la chanson est assez brouillonne aussi à la première écoute ». Ne le soyons pas, confus, justement, et reprenons dans l’ordre.

La prestation scénique des français, Anggun et son trio de gymnastes diablement bien foutus, laisse un désagréable goût d’inachevé, notamment à Olivier Dalloz qui fustige une « chorégraphie nullissime et sans intérêt » ; en accord avec Anthony Ragot pour qui « c’était mal filmé. Des plans lointains là où on aurait dû voir Anggun en gros plan, des caméras qui tournent quand elles devraient être fixes, bref, un ratage complet au niveau de la réalisation. Et c’est comme ça chaque année » ; ce qui démontre que l’on n’append pas de nos précédentes erreurs, et c’est regrettable.

SI la chanson française est « musicalement dans le rythme » aux oreilles de Philippe Perrel, « la prestation d’Anggun n’a pas été assez percutante », la faute aux « figures acrobatiques tellement déphasées et excessives qu’elles ont empêché qu’Anggun soit mise en valeur « plein écran » et qu’on accroche sur son élégance, sa gestuelle et sa chanson » à en croire Alain Mailfert qui se désole de « gâcher ainsi tant de travail ». C’est vrai, « pour une fois, que la chanteuse joue le jeu et participe à un maximum de shows et de sélections nationales », se désole Jean-François Rivas, le résultat se révèle « logique et prévisible pour une chanson inintéressante au possible » de l’avis de Pascal Cazin. « A chanson nulle, classement nul » lance, lapidaire, Christophe Styns, ce que confirme Guy Barbarino pour qui ce n’était « ni fait, ni à faire ».

Plusieurs eurofans se sont par ailleurs posé la question de savoir ce que fichait sur scène le trio de gymnastes, athlètes bondissant dans tous les sens, et qui ont au final plus été filmés qu’Anggun, ce que ne comprend pas Nicolas Lecoq qui se demande « pourquoi vouloir filmer les sportifs plus qu’Anggun ».

« Pourquoi des gymnastes ? » se questionne avec raison Philipe Dupont, « les JO, c’est en août » ; questionnement relayé par Patrick Nadolski qui « se demande ce que faisaient ces gymnastes avec Anggun en robe Gaultier », par Emmanuel Jaccard qui s’interroge « à quoi servaient les danseurs », par Mariano Serrano qui estime que ces « athlètes sur scène, quel gâchis » et par Christophe Hermès qui croyait que « c’était l’ouverture des JO », et qui remarque au passage que « les beaux garçons musclés ne font pas tout et le public homo ne vote pas toujours le côté cul et sexe ». Message transmis à qui de droit dans les instances dirigeantes… Bref, « ce n’était plus une chanson mais un concours sportif » résume Alain Fontan qui estime qu’on « a peut-être un peu trop vu les gymnastes ». Parce qu’il y avait quelqu’un d’autre sur la scène ? Pas vu…

Quoi qu’il en soit, Philippe Fructuoso estime que « vocalement c’était faible, la chorégraphie totalement brouillonne et franchement ridicule, et la chanson ne cassait pas trois pattes à un canard », ce que résume Eric Lacroix d’une équation (« prestation vocale moyenne, ordre de passage moyen, mise en scène archi-nulle et fond d’écran moche = 22^ème place sévère mais logique ») et que cautionne Patrice Péril lorsqu’il remarque que « la prestation ratée n’a fait qu’accentuer l’intérêt très relatif de la chanson ».

La chanson, justement, parlons-en, notamment avec Philippe Gauzy qui la jauge « très moyenne et agréable à écouter », « entraînante mais sans plus »pour Hervé Chambrion ; bref, « elle ne cassait pas la baraque ».

Ce qui, vous vous en doutez, n’est pas l’avis des admirateurs de la belle asiatique, qui sont évidemment dépités du sort eurovisuel réservé à leur diva, notamment Jeff Favreau qui a « été très agréablement surpris de sa prestation lors du grand soir ». « Elle a assuré, assure Jeff, et sa position (au niveau des points, je précise…) est une déception ».

Même son de cloche chez Joël Grabenstaetter. Joël a « aimé la chanson française » qui « ne méritait pas cette 22^ème place », car « Anggun a tout donné, mais la chorégraphie à la française était incompréhensible » de l’avis de Francisco Roncero. Pour sa part, Hugues Dietlin se présente comme « rarement chauvin car rarement séduit par l’interprète et/ou la chanson », mais nous « avoue avoir été séduit par Anggun qui a exprimé avec beaucoup d’enthousiasme sa fierté de représenter son pays d’adoption », mais qui n’était pas « très à l’aise alors qu’elle a davantage d’expérience scénique que beaucoup d’autres concurrents » à en croire Patrice Di Giacomo. Avec les chorégraphies absconses et pseudo-intellos, le trac paralysant est une spécialité française au Concours…

Et encore, on ne parle pas de la justesse de chant toute relative au départ de la chanson, relevée par Michel Estades qui constate que cela était « aussi faux que le début de notre candidat de l’an passé », vous savez, le bellâtre avec les franges du balai sur la tête et le manche dans le fondement, qui vocalisait en corse…

Mais qu’Anggun se rassure, elle « n’a rien à se reprocher » de l’avis de Bernard Démoulin, elle « a fort bien représenté la France, et c’est tout ce qui importe » aux yeux de Nicolas Corroyer, sentiment partagé par Alexandre Lemarquis qui estime qu’on « peut être fiers du choix de notre pays », quelque soit le résultat final, lequel parait assez uniformément injustifié.

Même si, comme d’autres, Christophe Guillaumond savait « qu’on ne gagnerait pas », « Anggun ne méritait pas ce classement » affirme Franck Thomas, « encore un mauvais classement », se lamente Fabien Blanckaert, une « sanction rude et imméritée » au goût de Nisay Samreth, alors que Farouk Vallette ne s’attendait pas « à une telle déculottée », due semble-t-il à « ces soi-disant génies de l’écriture et de la composition français qui nous refilent toujours pour l’Eurovision leur fond de tiroir dont personne n’a voulu ». Et encore n’a-t-on pas fait appel cette année à Corneille… A moins que ce ne soit la faute aux votes de copinage, comme le suggère Stéphane Laurent pour qui il y a « encore trop de votes géopolitiques ».

En définitive, même si Laurent Ots pensait que « nous avions une chance de gagner », « l’effet attendu entre la chanson et la chanteuse ne s’est pas produit », « ce qui peut expliquer en partie son mauvais classement » de l’avis d’Eric Gérôme. Pour sa part, Fabrice Biesbrouck estime que la déroute française est due au fait « qu’il y avait nettement mieux, tout simplement » et Emmanuel Augereau met en lumière le « seul point positif [dans ce désastre] : on constate que France 3 a changé son coiffeur et sa costumière. Pour une fois depuis bien longtemps, notre représentant ne semblait pas sortir de la douche ni être déguisé pour la fête du village ».Mais il n’y a pas que cela à changer. Pour Ali Durgut, la France « doit changer quelque chose », peut-être bien « son style » suggère Rouba Durgut, car pour Stéfan Ducher, « seule la robe était sympa, on aurait dit un poisson combattant japonais ». Faut arrêter les cigarettes qui font rire, Stéfan…

Bref, la conclusion revient à Frédéric Feder qui constate qu’il est « vraiment dommage que la France ait fini si bas »… Oui, mais dans le fond, l’écho résonne encore mieux…