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C’est donc la Suède qui remporte le concours Eurovision 2015. Après la tornade Conchita Wurst qui a porté le concours à un niveau de médiatisation jamais atteint, l’Eurovision revient à ses fondamen- taux, la chanson pop à la sauce scandinave. C’est loin d’être une surprise, tant Måns Zelmerlöw était le favori de cette édition. Et pourtant …
Introduit en 2009, le 50-50 jury-télévote vient de connaître son premier raté. Car si Måns gagne, il le doit aux jurés professionnels qui ont descendu la chanson italienne. « Grande amore » manquait-elle à ce point de qualités pour que ces jurés la positionnent à une 6ème place qui lui ôtait toute chance, en cumulant avec le télévote, de gagner le concours ? Ces fameux jurés professionnels sont-ils si professionnels que ça ? On peut en douter quand on note que les cinq jurés azéris ont tous classé la chanson arménienne dernière et que les cinq jurés arméniens ont fait de même avec la chanson azérie. Ça ne semble pas gêner l’UER, qui a préféré s’en prendre aux jurés du Monténégro et de la Macé- doine. On attendait des jurés professionnels qu’ils remarquent les chansons de qualité susceptibles d’être difficiles et peu accessibles au public, et qu’ils atténuent les votes de voisinage et de diasporas. Ils le font, mais pas suffisamment. Et dans certains pays leurs choix sont très contestables voire douteux.
Reste qu’avec les bons résultats accumulés depuis 2011 (deux fois gagnant, deux fois 3ème, et une fois 14ème), la Suède règne désormais sans partage sur le concours. Comme l’Irlande dans les années 90. Petit à petit, depuis quelques années, la Suède a imposé son style et son format au concours et on peut se demander si l’Eurovision d’aujourd’hui n’est pas, finalement, qu’un Melodifestivalen géant. Est-ce un bien ? Pas sûr. Certes le show est époustouflant, mais en suivant ce modèle suédois, l’Eurovision perd aussi un peu de son intérêt en ne couvrant pas la diversité musicale actuelle du continent européen. Pas de rock, pas de hip-hop, pas de musique électronique entre autres. Il ne reste que le la guimauve, vaguement scandinave, sans saveur, qui a peu de chance de séduire un large public ou même un public jeune. Il y avait cette année beaucoup de chansons qui se ressemblaient. Trop. Il serait bon que le concours revienne à un peu plus de variété dans les styles musicaux qu’il nous propose et qu’il innove. C’est risqué sans doute, mais les exemples de la Belgique et de la Lettonie montrent que ça peut payer.
Nous irons donc à nouveau en Suède, et ce sera Stockholm trois ans après Malmö. Avec six trophées les Suédois talonnent les Irlandais quant au nombre de victoires et à n’en pas douter il y a de bonnes chances qu’au cours des prochaines années ils égalent ce record et même le dépassent. C’est l’ambition avouée de Christer Björkman, leur chef de délégation.
Et la France ? Comme d’habitude, elle ressort en charpies du concours. On peut se demander ce qu’il faut faire pour être bien classé à ce fichu concours. Nous n’avons, à nouveau, pas choisi la chanson qu’il fallait. Pourtant, la France n’a pas démérité et Lisa Angell nous a fait honneur sur la scène du Wiener Stadthalle, avec une mise en scène magnifique, qui a d’ailleurs été saluée par la presse présente sur place. Oui la France a bossé, et ça c’est encourageant.
Pour autant, que signifie cette triste 25ème place ? Pas grand-chose en fait, car la configuration de ce concours 2015 intensifie un phénomène qu’on observe depuis plusieurs années : au-delà du Top 10 le classement n’a plus aucune signification. En effet, cette année, les neuf premiers du classement ont engrangé 80% des points ne laissant aux 18 autres que des miettes. Et à ce petit jeu, sans voisin amical, sans diaspora, nous n’avions aucune chance de figurer honorablement au classement. Certes on peut s’estimer heureux d’avoir glané quatre points quand l’Allemagne et l’Autriche, avec des chansons plus actuelles que la nôtre, n’en n’ont eu aucun. Mais que signifie notre classement comparé à celui de l’Arménie, 16ème, de l’Albanie, 17ème, ou de la Grèce, 19ème, qui ne doivent leurs points qu’à leurs amicaux voisins et/ou leurs diaporas ? Rien. C’est comme ça que ça fonctionne à l’Eurovision. Une dizaine de chansons sortent du lot et globalement occupent le premier tiers du classement. Ensuite des critères, qui n’ont rien d’artistiques, permettent de départager les autres. Bref s’attarder sur ce classement est inutile. La question est de savoir comment enfin accrocher le Top 10, ce que nous n’avons pas fait depuis 2009.
En attendant, Måns Zelmerlöw s’est lancée dans une grande tournée européenne post-Eurovision, ce qui est extrêmement rare pour un lauréat du concours. Certes, à la différence de la plupart de ses prédécesseurs, avec quatre albums, il a de la matière et un répertoire bien fourni. Il n’empêche que cette initiative doit être saluée et on espère que les futurs gagnants suivront cet exemple. Måns a fait un arrêt remarqué à Paris le 3 octobre. Ce fut l’occasion pour un public nombreux, et pas spécialement eurofan, de faire sa connaissance, et pour nous d’avoir la confirmation que Måns Zelmerlöw n’est pas un artiste de toc mais bien une bête de scène.
Farouk Vallette
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