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Au moment où je rédige mon édito, je m’attarde sur les prédictions des bookmakers. Dans le Top 3 figurent deux chansons interprétées en français : celle de la France avec Barbara Pravi et celle de la Suisse (qui de temps en temps se rappelle que le français fait partie de ses trois langues nationales) avec Gjon’s Tears.
Ce Coco 86 sonne donc étonnamment très 1986, année où trois chansons françaises s’étaient imposées aux trois premières places du classement de l’Eurovision : la Belgique, gagnante avec Sandra Kim, la Suisse, seconde avec Daniela Simons et le Luxembourg, troisième avec Sherisse Laurence. Deux ans plus tard rebelote, ou presque : la Suisse remporte le Concours, avec Céline Dion, et le Luxembourg termine 4ème, avec Lara Fabian. Il y a eu ensuite 1990 et 1991, années ou la France a frôlé d’un rien la victoire. Ah ! Ce maudit jury luxembourgeois de 1991 !
Depuis plus rien. Le français a sombré dans un océan de chansons interprétées ou plutôt baragouinées en anglais. Il y a bien eu quelques lueurs du côté de la France (1993, 1995, 2001, 2002, 2016), de la Suisse (1993) et de la Belgique (1998), mais c’est à peu près tout. Quant au Luxembourg, il a suivi le chemin de Monaco et s’en est allé vers d’autres cieux.
Pourtant le français est toujours présent au Concours, mais un peu comme un parent éloigné tout juste toléré aux repas de famille et qu’on a placé en bout de table avec les enfants pour qu’il ne gêne pas. On l’entend vaguement pendant le show, dans deux ou trois phrases prononcées phonétiquement et avec difficulté par les présentateurs, et pendant les votes où il permet aux jurés d’annoncer fièrement les fameux « douze points » en passe de devenir les deux mots les plus connus de la langue de Molière sur le continent européen.
Il reste malgré tout une langue que le public apprécie d’entendre à l’Eurovision, comme en témoigne en 2016 le succès inattendu de l’Autriche au télévote avec « Loin d’ici ».
Cette année 2021 est donc assez exceptionnelle et il faudra sans doute longtemps avant que deux chansons françaises puissent à nouveau prétendre à la victoire. Mais si celle-ci ne sourit pas à la France ou à la Suisse, le français pourrait quand même être à l’honneur cette année, car le titre de la chanson de Malte, le troisième favori des books, est en français. Ok, ce ne serait qu’une petite consolation, car « Je me casse » sont les trois seuls mots en français de cette chanson. Mais ça ferait quand même plaisir.
N’oublions pas toutefois que les répétitions n’ont pas encore commencé et que d’autres concurrents ne seront pas là pour faire de la figuration et défendront leurs chances jusqu’au bout. Il faudra notamment se méfier du glam-rock des Italiens Måneskin, de l’électro de discothèque des Lituaniens The Roop, que beaucoup auraient bien vu soulever le trophée en 2020, de la mutine et jolie Bulgare Victoria, de la voix impressionnante du Suédois Tusse, ou du diablo pour qui la Chypriote Elena Tsagrinou avoue des faiblesses. J’ai aussi eu un coup de cœur pour le Néerlandais Jeangu Macrooy, dont le titre gospel m’a ébloui. Je suis sans doute le seul, car le malheureux a hélas terminé dernier des e-previews organisés par Eurofans. Et puis nous savons qu’il peut se passer encore beaucoup de choses d’ici le 22 mai, et voir émerger un outsider inattendu est une possibilité.
Le Concours qui s’annonce est prometteur. Une fois débarrassés après les demi-finales de l’habituel pack de chansons moyennes sans intérêt, nous devrions assister à une belle finale et à un beau spectacle, qui surtout nous fera oublier pendant quelques heures l’épouvantable situation épidémique que nous connaissons depuis plus d’un an.
Qu’il ait lieu en présentiel ou en distanciel, avec ou sans spectateurs, en live ou en playback (voir édito du Cocoricovision n°85), ça nous fera un bien fou de retrouver l’Eurovision. Et ce duel annoncé entre France et Suisse promet en plus d’être excitant.
Farouk Vallette
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